
Créer une société commerciale en tant qu’avocat ?
L’idée séduit, surtout dans le secteur des legaltechs. Mais attention : derrière l’innovation se cachent des règles strictes, souvent méconnues, et des sanctions redoutables. L’affaire NT & Co, jugée par la cour d’appel de Montpellier en septembre 2025, en est une illustration cinglante. Une société dirigée par une avocate, dissoute pour illicéité de son objet social. Pourquoi ? Parce qu’elle avait franchi la ligne rouge.
🚫 L’exercice connexe : une dérogation encadrée, pas une liberté totale
🔒 Une exception prévue par le décret de 1991
L’article 111 du décret du 27 novembre 1991 permet à un avocat d’exercer une activité commerciale connexe à sa profession. Mais cette dérogation est soumise à des conditions strictes :
- L’activité doit être accessoire et connexe à l’exercice du droit.
- Elle doit être déclarée au conseil de l’ordre dans les 30 jours.
- Elle ne peut pas induire le public en erreur sur la nature juridique de la structure.
👉 Exemple : un avocat peut créer une société vendant des logiciels d’aide à la rédaction juridique, mais pas une plateforme délivrant des conseils juridiques personnalisés sans contrôle déontologique.
⚠️ Le cas NT & Co : une confusion volontaire ?
Dans l’affaire NT & Co, la société affichait comme objet social : « conseil juridique digitalisé », « confection d’actes juridiques », « vente d’actes juridiques ».
Or, elle n’était pas inscrite à l’ordre des avocats.
Le site internet s’appelait « SOS AVOCATS », avec un logo représentant une robe d’avocat.
Résultat : confusion manifeste pour le public, et violation des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971.
👉 Exemple : même si la présidente était avocate, la société elle-même ne l’était pas. Elle ne pouvait donc pas exercer une activité réservée aux avocats.
📑 La déclaration au conseil de l’ordre : une formalité indispensable
La cour rappelle que l’absence de demande de dérogation dans les 30 jours est une faute.
Même si l’activité est connexe, elle doit être encadrée.
Sans cette déclaration, l’avocat engage sa responsabilité personnelle.
👉 Exemple : dans NT & Co, aucune demande n’a été faite. La société a continué à exercer, malgré les mises en demeure du CNB.
⚖️ Objet social illicite : une bombe à retardement dans les statuts
📜 L’objet social est analysé à la création, pas à l’usage
La cour d’appel a jugé que l’objet social illicite ne peut être régularisé a posteriori.
Même si les statuts sont modifiés, ce qui compte, c’est l’objet initial au moment de la constitution.
L’article 1844-11 du Code civil exclut toute régularisation en cas d’illicéité.
👉 Exemple : NT & Co a modifié ses statuts en 2024, mais l’action en nullité avait été engagée en 2023. Trop tard.
🧨 Une nullité qui entraîne la dissolution judiciaire
La nullité pour illicéité de l’objet social entraîne automatiquement la dissolution de la société.
La cour a désigné un liquidateur et ordonné la fermeture du site internet sous astreinte.
La société est juridiquement morte.
👉 Exemple : même si la société avait des clients, des contrats, une activité, tout est stoppé par la décision judiciaire.
🧾 Les statuts : un acte juridique à ne jamais négliger
Les statuts ne sont pas une formalité. Ils sont l’acte fondateur de la société.
Un objet mal rédigé peut entraîner la nullité, même des années plus tard.
Il est essentiel de faire relire les statuts par un professionnel du droit.
👉 Exemple : NT & Co aurait pu éviter la nullité en rédigeant un objet social conforme dès le départ.
👤 Responsabilité personnelle du dirigeant : la faute détachable
⚔️ Le dirigeant peut être condamné personnellement
La cour a condamné la présidente de NT & Co à un euro de dommages-intérêts pour faute détachable.
Elle a jugé qu’elle avait feint de se conformer aux exigences du CNB, tout en poursuivant l’activité illicite.
Cette attitude est incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.
👉 Exemple : même si la société est dissoute, le dirigeant peut être poursuivi à titre personnel.
🧍‍♂️ La faute détachable : une notion clé en droit des sociétés
La jurisprudence reconnaît la responsabilité personnelle du dirigeant en cas de faute intentionnelle, grave, incompatible avec ses fonctions.
C’est le cas ici : la dirigeante a maintenu une activité illicite malgré les avertissements.
👉 Exemple : un dirigeant qui signe des contrats en sachant qu’ils sont contraires à la loi peut être poursuivi personnellement.
🛡️ Prévenir les risques : négocier, déclarer, encadrer
La meilleure défense, c’est la prévention.
Avant de créer une société commerciale en tant qu’avocat, il est recommandé de:
- Négocier/Communiquer avec le conseil de l’ordre.
- Déclarer l’activité connexe.
- Encadrer juridiquement les statuts et les pratiques.
👉 Exemple : une legaltech peut fonctionner en partenariat avec un cabinet d’avocats, en respectant les règles déontologiques.
Créer une société commerciale en tant qu’avocat est possible, mais à condition de respecter un cadre juridique strict. L’affaire NT & Co montre que l’innovation ne justifie pas tout. L’objet social, les statuts, la déclaration au conseil de l’ordre : chaque étape compte. Et en cas de manquement, les conséquences peuvent être lourdes, y compris pour le dirigeant.
📚 Sources
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000722650/
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000511366/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006438950/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006234774/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417847/
🥋 La négociation est un sport de combat
Il faut savoir être dur avec les questions à traiter tout en préservant les relations.
đź“© Vous avez une question ? Parlons-en, tout simplement.
Contact : martin@lacour-avocat.fr
❓ FAQ – 30 questions-réponses pour entrepreneurs et avocats
- Est-ce qu’un avocat peut créer une société commerciale ? → Oui, mais uniquement pour des activités connexes et accessoires à sa profession.
- Faut-il déclarer cette activité au conseil de l’ordre ? → Oui, dans les 30 jours suivant le début de l’activité.
- Qu’est-ce qu’une activité connexe ? → Une activité liée à l’exercice du droit, comme la formation ou la vente de logiciels juridiques.
- Peut-on vendre des actes juridiques via une société commerciale ? → Non, sauf si la société est inscrite à l’ordre des avocats.
- Que risque-t-on en cas d’objet social illicite ? → La nullité de la société et sa dissolution judiciaire.
- Est-ce que la modification des statuts peut régulariser la situation ? → Non, pas si l’objet social était illicite à la création.
- Qui peut engager une action en nullité ? → Le Conseil national des barreaux, entre autres.
- Est-ce que le dirigeant peut être condamné personnellement ? → Oui, en cas de faute détachable de ses fonctions.
- Qu’est-ce qu’une faute détachable ? → Une faute grave, intentionnelle, incompatible avec les fonctions sociales.
- Peut-on utiliser le mot « avocat » dans le nom d’une société commerciale ? → Non, sauf si la société est une société d’avocats.
- Est-ce que le logo d’une robe d’avocat est autorisé ? → Non, cela peut induire le public en erreur.
- Que dit la loi de 1971 sur la consultation juridique ? → Elle la réserve aux avocats et professions réglementées.
- Est-ce que les legaltechs peuvent proposer des conseils juridiques ? → Oui, mais uniquement en partenariat avec des avocats.
- Que faire avant de lancer une legaltech ? → Vérifier la conformité juridique de l’objet social et des pratiques.
- Est-ce que le CNB peut fermer un site internet ? → Oui, par décision judiciaire avec astreinte.
- Peut-on être condamné à des dommages-intérêts symboliques ? → Oui, comme dans l’affaire NT & Co (1 euro).
- Est-ce que l’objet social est analysé à la création ? → Oui, c’est le moment clé pour apprécier sa licéité.
- Peut-on régulariser après une assignation ? → Non, en cas d’objet illicite, la régularisation est inopérante.
- Est-ce que les statuts sont importants ? → Oui, ils déterminent la validité de la société.
- Peut-on exercer sans être inscrit à l’ordre ? → Non, pour les activités réservées aux avocats.
- Est-ce que le CNB peut agir contre une société commerciale ? → Oui, s’il estime que l’objet social porte atteinte à la profession.
- Que faire en cas de mise en demeure du CNB ? → Répondre rapidement et modifier les statuts si nécessaire.
- Est-ce que le changement de nom de domaine suffit ? → Non, il faut aussi modifier l’objet social.
- Peut-on être poursuivi pour exercice illégal du droit ? → Oui, c’est un délit puni par le Code pénal.
- Est-ce que les peines peuvent être lourdes ? → Oui, jusqu’à 75 000 € d’amende pour une personne morale.
- Peut-on éviter la nullité par une bonne rédaction des statuts ? → Oui, c’est la meilleure prévention.
- Est-ce que les legaltechs sont surveillées ? → Oui, notamment par les instances professionnelles.
- Peut-on créer une société avec des non-avocats ? → Oui, mais pas pour exercer des activités réservées.
- Est-ce que le CNB peut demander la publication d’un jugement ? → Oui, mais la cour peut rejeter cette demande.
- Est-ce que la négociation avec le CNB est possible ? → Oui, et elle est fortement recommandée.
📜 Mentions légales
Toute utilisation aux fins d’apprentissage par une IA est interdite.
Tous droits réservés.
Tout contrevenant s’expose à des poursuites civiles et pénales.