I. Un mode de règlement qui change la donne
A. De l’héritage judiciaire à l’alternative collaborative
Le procès, longtemps perçu comme la voie naturelle pour régler les conflits, montre aujourd’hui ses limites : lenteur, coût, usure relationnelle, saturation des juridictions. Ce modèle vertical peine à répondre aux exigences contemporaines de réactivité, de personnalisation et d’apaisement.
Le processus collaboratif propose une approche radicalement différente : interdisciplinaire, respectueuse des personnes, centrée sur la coconstruction. Là où le procès tranche, il relie. Là où le contentieux oppose, il restaure le dialogue.
B. Fondations et pratique interprofessionnelle
Les parties et leurs avocats s’engagent à négocier sans recours unilatéral au juge, suspendant toute procédure en cours. Le contrat collaboratif peut même interrompre la prescription (art. 2254 C. civ.), garantissant souplesse et sécurité juridique.
La méthode peut mobiliser une pluralité d’expertises : psychologues, notaires, médiateurs, coachs, experts financiers… Tous adoptent une posture d’écoute et de coopération. L’expérience internationale, notamment celle de l’IACP aux États-Unis (association mère du processus collaboratif), montre que cette approche peut aussi prévenir les conflits.
📌 Encadré – L’échelle de Glasl
Cette échelle décrit 9 stades d’escalade d’un conflit, répartis en 3 grandes phases. Elle permet d’adapter les outils collaboratifs au niveau de tension initial, bien au-delà du simple “taux d’accord”.
📊 Diagramme – Compétences mobilisées dans les MPRD
- Règles processuelles : 2 %
- Éthique relationnelle : 60 %
- Savoir-ĂŞtre et savoir-faire : 38 %
Ce graphique illustre la prépondérance des compétences humaines dans la réussite du processus collaboratif.
II. Lever les freins et ouvrir de nouveaux horizons
A. Les obstacles Ă surmonter
La méthode reste marginale, souvent réduite à un simple outil procédural. Elle souffre d’un manque de soutien institutionnel, d’une culture juridique trop centrée sur le contentieux, et d’une formation insuffisante.
Reconnaître ses limites — comme l’impossibilité de remplacer le juge dans certains cas — renforce sa crédibilité. Elle s’inscrit dans un pluralisme juridique où chaque mode trouve sa place.
📌 Encadré – Méthodes de conduite du changement
- ADKAR : conscience, désir, savoir, capacité, ancrage
- Kübler-Ross : déni, colère, négociation, dépression, acceptation
- Communautés de pratique : mutualisation, culture partagée
Ces outils montrent que diffuser le processus collaboratif, c’est aussi accompagner un changement culturel.
B. Illustrations et applications inattendues
Un exemple marquant : deux associés en conflit entament un processus collaboratif… et finissent par créer une nouvelle structure ensemble. La méthode transforme les crises en opportunités, les conflits en projets.
Elle inspire aussi les audiences de règlement amiable (JARA), le legal design, et le langage clair (ISO 24495-1/2). À l’intersection du droit et du design, elle propose une rigueur humaniste au service de solutions sur mesure.
đź’ˇ Conclusion
Le processus collaboratif est bien plus qu’un outil : c’est une philosophie du droit. Il invite à repenser les relations, les pratiques et les institutions. En s’ouvrant à de nouveaux champs, il pourrait devenir l’un des piliers d’une justice plus humaine, plus lisible et plus efficace.